La France souhaite imposer une révision de la directive européenne qui autorise les entreprises à employer de la main d’œuvre « bon marché ». Une grande négociation se déroule ce lundi à Bruxelles.
La question des travailleurs détachés revient au menu de la Commission de Bruxelles qui accueille ce lundi les 28 ministres du Travail des pays membres de l’Union Européenne. L’objectif de cette grande négociation consiste à définir de nouvelles règles de contrôle dans l’application de la fameuse directive Bolkestein qui autorise les entreprises à employer des salariés étrangers en transposant dans leurs rémunérations certaines des conditions fiscales en vigueur dans leur pays d’origine.
Un rapport parlementaire montrait récemment que les entreprises françaises sont, en Europe, parmi les plus grosses utilisatrices de ce système d’embauche : il est difficile d’évaluer le nombre de travailleurs détachés en poste dans l’Hexagone. Le chiffre de 300 000 est parfois avancé, mais l’effectif, qui varie en fonction des saisons, des carnets de commande et de la disponibilité de la main d’œuvre locale, est très mouvant. La filière du BTP est la première concernée.
Remis sur le tapis depuis la crise de l’agroalimentaire breton, le problème ne date pourtant pas d’hier puisque la première directive en la matière date de 1996. Elle fut révisée en 2006 de manière à obliger les entreprises à respecter les règles salariales de leur pays (SMIC) lorsqu’elles embauchent provisoirement des travailleurs réputés « moins chers » que les nationaux.
Dumping social dans les métiers du bâtiment
Mais ces principes ne sont pas toujours respectés. Pire : ces fraudes aggravent un « dumping social » déjà existant puisque la directive Bolkestein autorise les entreprises à régler les charges salariales et patronales de ces travailleurs détachés aux conditions, non pas du pays qui les accueille, mais de leur pays d’origine. Une manière détournée mais parfaitement légale de faire baisser le coût du travail, mais au détriment du salarié national.
Ce matin à l’antenne de France Info, le ministre en charge de l’Economie Solidaire Benoît Hamon a fait part de « détournements très, trop nombreux, dans le secteur du bâtiment, et dans celui des transports ».
L’enjeu des négociations en cours à Bruxelles n’est pas de supprimer la directive Bolkestein, adossée au principe d elibre-circulation de travailleurs, mais bien de l’amender pour permettre aux gouvernements de traquer plus efficacement les abus. La France demande, par exemple, la mise en place d’un dispositif permettant de diligenter des contrôles plus en amont des faits, « dès le stade de la présomption des fraude ». Elle souhaite également que chaque Etat de l’UE puisse déterminer la liste des justificatifs obligatoires dont doivent disposer les entreprises employant des travailleurs détachés, documents qui peuvent être exigés par l’administration en cas de contrôle.