Un projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est actuellement à l’étude au Parlement. Ce projet subordonne la faculté pour un opérateur de proposer des jeux d’argent ou de paris en ligne à l’obligation d’obtenir un agrément préalable auprès de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).
L’obtention de cet agrément supposera le dépôt d’un dossier auprès de cette autorité, chargée de vérifier l’aptitude du futur opérateur à respecter les obligations à sa charge au titre de l’article 15 alinéa 2 du projet de loi.
Il conviendra donc d’abord d’exposer les nouveautés du projet de loi relatif aux jeux en ligne (1), puis d’expliquer comment l’on pourra constituer un dossier de candidature auprès de l’ARJEL (2).
Le projet de loi instituant l’ARJEL, étant actuellement à l’étude au Sénat, il convient d’en exposer les objectifs et les apports (A). La publication sur internet, le 1er mars 2010, du projet de cahier des charges par l’ARJEL, permet de passer en revue les principaux axes de ce texte (B).
A. Les objectifs et les apports du projet de loi sur les jeux d’argent en ligne
Après son adoption par l’Assemblée nationale, le projet de loi est aujourd’hui examiné par les sénateurs. Le gouvernement veut aller vite, car il s’agit de distribuer les licences avant le début de la Coupe de monde de football qui sera un aspirateur à paris sportifs.
L’objectif est également de faire « le ménage » en France puisqu’actuellement plus de 20 000 sites de jeux d’argent exercent en toute illégalité. Ainsi, une infraction d’organisation illégale de jeux et paris en ligne devrait voir le jour.
Les sites dits « illégaux » pourraient alors voir leur accès coupé par un juge des référés, et se voir condamnés à trois ans de prison et 45000 euros d’amende (sept ans et 100000 euros en bande organisée).
Concrètement, le projet de loi prévoit d’autoriser l’exploitation de sites proposant des paris hippiques mutuels, des paris sportifs, et du poker.
Le texte valide aussi la création d’une Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) chargée de délivrer les licences et de contrôler le secteur. Mais, l’ARJEL devra avoir les moyens d’exercer un contrôle efficace.
Le projet de loi annonce par ailleurs que les organisateurs de compétitions, les clubs et les ligues nationales sportives disposeront du « droit d’exploitation commerciale » des paris. Ils pourront ainsi signer directement des accords avec les opérateurs de sites ou déléguer ce droit à leurs fédérations.
Le total des recettes générées par le secteur a été évalué à 800 millions d’euros. Il semblerait que 10 millions d’euros seront redistribués à la lutte contre l’addiction, 1% des recettes sur les paris sportifs reviendront au Centre national pour le développement du sport (CNDS) et 15% de la fiscalité sur le poker sera destinée aux monuments historiques.
Pour exercer sur le marché français, chaque candidat devra en outre répondre à un cahier des charges contraignant.
B. L’analyse du projet de cahier des charges de l’ARJEL
C’est sur la base de ce cahier des charges sans portée normative que les opérateurs potentiels vont devoir travailler dès à présent pour préparer leur demande de licence française.
Sa parution constitue une avancée sensible vers l’obtention de licences françaises de jeux d’argent et de hasard en ligne, quand bien même des recours seraient déposés devant le Conseil Constitutionnel et les instances européennes par ses opposants.
Bien entendu, ce cahier des charges sera soumis à l’approbation définitive des Ministres de l’intérieur, du budget, de l’agriculture et des sports. Mais, on peut raisonnablement considérer que la majeure partie des clauses présentées à titre d’information seront définitives.
Première condition : ne pas être domicilié dans un paradis fiscal Il faudra aussi disposer d’une comptabilité spécifique et d’un correspondant permanent en France, exiger une domiciliation bancaire en France pour les joueurs, contrôler leur inscription par un code d’accès, ne pas « anonymiser » les moyens de paiement, ou encore mettre en place des « pop up » (fenêtres) pour dissuader les visites de mineurs…etc.
L’opérateur devra également fournir une description du site internet de jeu, et détaillera le fonctionnement des comptes joueurs, des activités éventuellement sous-traitées, des contrôles et procédures internes mis en place.
Par ailleurs, le droit à payer lors du dépôt de la demande d’agrément à l’ARJEL variera en fonction du nombre d’agréments demandés par l’opérateur – pour les paris hippiques, – les paris sportifs – et le poker (de 5000 à 10000 €).
Notons encore un certain nombre d’obligations relevant des exigences légales classiques de mise en conformité, telles que le traitement des données au regard des obligations CNIL, les mentions légales du site etc.
Aussi, la transparence sera requise en matière financière (documenter avec précision l’actionnariat des sociétés soumissionnaires), mais aussi en matière judiciaire (l’ARJEL sera informée de toute condamnation définitive des sociétés et de ses actionnaires et dirigeants survenue depuis moins de 10 ans).
La solidité financière des opérateurs devra apporter le maximum de garantie aux joueurs pour ne pas perdre leurs mises et leurs gains.
Ainsi, il sera conseillé aux opérateurs qui souhaitent faire une demande de licence auprès de l’ARJEL de s’engager dans une démarche active de constitution des dossiers, pour arriver les premiers.
2. La constitution d’un dossier de candidature auprès de l’ARJEL
Quelles sont les conditions pour obtenir un agrément (A) de l’ARJEL ? Et quel contrôle cette autorité exercera-t-elle (B) ?
A. Droits et conditions d’entrée
L’agrément sera distinct pour chaque type de jeu (pari hippique/ sportif/ poker), et sera valable pour une durée de 5 ans, renouvelable.
Aussi, l’agrément est délivré par l’ARJEL conformément au cahier des charges portant sur les points suivants : Identification de la société ; Localisation de la société ; Modalités d’accès et inscription au site ; Protection des données à caractère personnel et vie privée des joueurs ; Obligations comptables : comptes séparés par jeu et par pays ; Obligations liées à la base de donnée joueurs ; Effacement de toute base de données constituées antérieurement à l’obtention de la licence ; Obligations de lutte contre le jeu des mineurs.
L’opérateur devra en outre mettre en place un système respectant son obligation de lutte contre l’addiction, pour permettre l’autolimitation des dépôts et des mises par le joueur, une indication permanente du solde instantané du compte joueur, la possibilité d’auto exclusion du joueur, un service online d’information et d’assistance aux joueurs en matière d’addiction au jeu, etc.
B. L’homologation des systèmes de jeu
Les modalités d’exploitation, d’organisation ou de sous-traitance du jeu, ainsi que l’accès au serveur seront contrôlées par l’ARJEL. De même que les modalités de paiement et d’encaissement. Par ailleurs, les candidats auront l’obligation que leur site de jeu ait un nom de domaine en .fr. Quant aux obligations techniques, une homologation et une certification des serveurs et plateformes aura lieu tous les ans.
En cas de refus d’agrément, celui-ci devra être motivé. Il devra par exemple être fondé sur l’incapacité technique, économique, et financière de faire face durablement aux obligations de son activité, ou encore reposer sur des raisons de sauvegarde de l’ordre public. L’ARJEL pourra prononcer des sanctions (à déterminer). Pour y faire face, un recours contentieux devant les juridictions administratives serait envisageable.
En conclusion, tout agrément comporte des caractéristiques spécifiques propres à l’offre de jeu agréé, et toute modification aux informations ou obligations nécessaires à l’octroi devront être portées à la connaissance de l’ARJEL.
La Commission européenne s’est vu soumettre ce projet et pourrait demander une clarification aux motifs que le respect de la libre prestation des services ne serait pas respecté. Le projet de loi est donc susceptible de faire l’objet d’évolutions importantes si la Commission décidait de rendre un avis défavorable sur le texte qui lui a été notifié.