La salariée de la crèche Baby Loup licenciée en 2008 pour avoir refusé de retirer son voile islamique a obtenu gain de cause auprès de la cour de cassation : selon la haute juridiction, son renvoi constituait « une discrimination ».
L’affaire avait fait grand bruit en 2008 : une employée de la crèche privée Baby Loup (Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines) était licenciée pour « faute grave » après avoir refusé d’enlever son voile pendant ses heures de travail. La validité juridique de ce renvoi a d’abord été reconnue par le conseil des prud’hommes de Mantes-la-Jolie (2010) puis par la Cour d’appel de Versailles, cette dernière ayant considéré dans son arrêt d’octobre 2011 que les enfants accueillis dans cette crèche « n’ont pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d’appartenance religieuse ».
Principe de laïcité dans les entreprises
Après cinq ans de procédure, la Cour de Cassation, devant laquelle la plaignante a décidé de porter le dossier, vient de rendre un avis contraire à celui des deux juridictions précédentes : selon elle, le licenciement de Fatima Afif doit être « déclaré nul » parce qu’il constitue « une discrimination en raison des convictions religieuses », et ce « en dépit de la mission d’intérêt général » de la société Baby Loup.
Il faut rappeler ici qu’il s’agit d’une crèche privée, ce qui a son importance dans l’interprétation de la loi régissant le port des signes religieux dans les entreprises : les règles sont plus claires dans le secteur public où la neutralité religieuse doit prévaloir. C’est plus flou dans le secteur privé où toutes formes de restriction est interdite si elles « ne se justifient pas par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » précise le Code du Travail.
Point de vue de la Halde
Pour faire clair, un voile religieux, une Kippa ou un crucifix exhibés avec ostentation ne peuvent être interdits dès lors que leur port ne « met pas en danger l’entreprise et la personne qui le porte dans le cadre de son activité professionnelle, ni ne contrevient à l’hygiène de l’établissement ». Dans certains cas, des motifs commerciaux peuvent être invoqués pour justifier une interdiction lorsque le porteur d’un signe religieux est en contact avec la clientèle.
Voilà sur quelles bases juridiques ont dû statuer les différentes juridictions, avec, on l’a vu, des conclusions différentes à l’arrivée, et une interprétation divergente du principe de laïcité.
Pour clarifier la situation, la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) avait demandé au parlement « d’examiner l’opportunité d’étendre les obligations de neutralité qui s’imposent dans les structures publiques aux structures privées des secteurs social, médico-social, ou de la petite enfance ».